jeudi 14 septembre 2017

JE SUIS UN ENCHANTEUR

 "Vous voyez les choses comme elles sont et vous vous demandez : pourquoi?
je rêve de choses qui ne sont pas et je me dis : pourquoi pas?"
Bernard Shaw


Durant toute cette année, nous avons essayé ensemble d'apprendre à grandir, à voyager dans la vie et pas seulement à la traverser. On a essayé de s'y attarder et de gouter des instants, de regarder des paysages, d'écouter les gens, de communiquer entre nous.

Nous voulions re-trouver un équilibre, nous remettre sur pied, après quelques uppercuts... Il nous fallait bien cela : passer de "rêver de larguer les amarres" à oser le faire... Il était vain de savoir "qu'on s'en était bien sortis". Ça n'avait pas de sens de vivre des choses comme ça si dures, juste pour conclure un truc pareil : ok savoir "aller au combat", on sait. Savoir "tenir le coup" on sait aussi.

Alors pour Esteban, tout à coup, l'idée a germé : si on était capable d'encaisser les rudes coups de la vie avec autant de ténacité, d'endurence, de volonté, on peut sans doute décrocher la lune si on se le demande un peu. On peut sans doute avancer et se diriger vers ce qu'on souhaite sans se faire botter le derrière par le destin, non? Facile à dire. Fallait s'en faire la preuve.

Alors on a décidé, on s'est réclamé de le faire, on l'a voulu pour sûr... on a voulu... se regarder en face avec plus de compassion et moins de mises à l'épreuve et on a sauté dans l'expérience.

Nous avons essayé de nous ouvrir à nous-même autant qu'aux autres, autant qu'aux choses de la vie : trouver un équilibre dans l'attention portée sur soi autant que sur l'autre ou au monde pour qu'aucun ne prenne le pas sur les autres, n'était pas toujours simple ni facile à mettre en pratique. Ça nous a interroger tant sur notre "égoïsme" que sur "tout ce qu'on fait tout le temps pour les autres", et nous avons souvent eu l'impression que tout est là entre nos mains, mais qu'on n'avait pas appris : l'art du rangement. Jamais rangé dans les bons tiroirs, ces satanée choses de la vie! Du coup : bordel au lieu de bonheur.

La navigation nous a aidés à prendre le temps pour intégrer et retrouver notre route. Nous la tracions presque tous les jours en fonction de la météo. La navigation nous a appris à remonter le vent, si nécessaire, mais qu'il valait mieux aller dans son sens, comme dans celui du courant. Accepter ce qui est, au lieu de résister ou rentrer en rapport de force. Mais aussi, oser au lieu d'encaisser car, dans l'aventure, s'il faut rester vigilant pour ne pas mettre nos vies en péril, s'il nous faut apprendre à être responsable, ou parfois même apprendre à lâcher prise et s'en remettre au destin... Dans l'aventure, tout cela se fait dans la joie et l'élan. Les rires fusent, les yeux pétillent et la fatigue est bonne. Rien à voir avec le fond du gouffre, les bords de précipices, les KO qui nous mettent si cruellement en péril. Pas la peine d'attendre d'en arriver là pour gouter des instants, regarder des paysages, écouter les gens, et vouloir communiquer ensemble.

Alors renverser les choses, changer d'horizon en changeant de vision, ça fait du bien : commencer par faire les choses pour soi, continuer de s'intéresser aux autres de manière désintéressée (drôle à dire), rester curieux du monde, continuer de s'interroger sur la vie et redécouvrir sa beauté, notre amour si profond pour elle, son étrangeté, son mystère, sa fragilité et sa puissance, ça change tout.

Voir la réalité telle qu'elle est, et pour tous, au lieu de vouloir qu'elle soit ce que je veux pour moi quitte à me battre pour qu'elle ne devienne pas ce que l'autre veut qu'elle soit pour lui - car tous les goûts sont dans la nature n'est-ce pas?... Bref voir la vie telle qu'elle est, et pour tous, au lieu de vivre avec la loi de la jungle, avec la loi du plus fort, de la comparaison, de la compétition, des jugements et condamnations diverses, avec la croyance en la méritocratie, en l'idée que l'argent et la célébrité font le bonheur alors que la presse-people prouve toujours le contraire... Au lieu de croire tout ça et de le subir - parce que ça nous demande autant de force et d'énergie que d'agir et que ça bouffe nos amours à petit feu, bref ... On découvre que le bonheur est là. Quand tout est à sa place, bien rangé, il est là, à portée de main. Simple et partout avec nous parce qu'à l'intérieur de soi. Il est une manière de voir les choses et de les recevoir, il est notre choix. Notre libre arbitre. Et oui, on apprend, une fois les casseroles embarquées, lavées et rangées, que le bonheur est en nous.

Notre bateau "kokoro" a bien porté son nom : "le coeur des choses". Il nous a emmené, porté et bercé comme si nous étions tenus dans des bras bienveillants. Nos coeurs ont bien souvent vibrés parfois même un peu tremblés, les émotions étaient fortes. 

Le voyage fut un décor merveilleux à cette expérience de vie, pas toujours des plus facile, ni des plus confortable. En tous les cas, nous avons appris que les rêves ne sont pas des limbes si nous devenons les enchanteurs de nos vies. 


Enchanter, s'enchanter ? Quoi? Quoi? J'ai dit quoi? Un gros mot? Un truc de bisounours?
J'ai seulement dit que s''étonner, s'émerveiller, rester curieux, ouvert à la nouveauté, accepter le changement, la découverte. Rester actif. Y mettre du cœur et penser à embellir sa vie tous les jours pour qu'elle redevienne magique d'un coup de baguette, est notre vraie liberté.









LE CHEMIN DU RETOUR

Le voyage touche à sa fin. J'ai retrouvé mes mamans et nous longeons les côtes françaises du continent. On farniente à Port Cros et Porquerolles puis dans les calanques. On passe du temps à Marseille, visite du MUCEM, histoire de se refaire un petit tour en Méditérranée. Arrêt de nouveau aux saintes Marie que nous adorons, et dernière longueur jusqu'à Sète avant la rentrée des classes.