samedi 3 septembre 2016

ENIGME N°1 CONTE DE RIOU


Les histoires sont les meilleurs moyens d’apprendre à vivre. D.H. Lawrence 

 
 
Au passage de L'ile de Riou, un petit garçon blond m'est apparut en rêve.

- Acceptes-tu de parler avec moi ? Me demanda-t-il.

- Il était si content de rencontrer un autre enfant - ça ne lui était jamais arrivé - qu'il me posa beaucoup, vraiment beaucoup de questions. Des « Connais-tu … ? », « Comment fais-tu... ? », « Peux-tu … ? », « As-tu déjà vu... ? », ou des « Penses-tu que … ? « Sais-tu que … ? » … Mais il ne me demanda pas comment je m'appelais et je n'eus le temps de répondre à aucune de ses questions.

- Tu ne dis rien, bon, ce n'est pas grave ! dit-il enfin. Les adultes pensent que beaucoup de connaissances sont inutiles mais les enfants, eux, savent bien qu'apprendre est dans notre vraie nature et que c'est passionnant. Je suis explorateur vois-tu et chaque exploration a pour moi, le pouvoir de follement m'amuser, chaque découverte a pour moi, le pouvoir d'embellir ma vie. Sais-tu que je vis sur une autre planète ?

- Non ! Puis-je lui répondre enfin.

- Ma planète est toute petite et j' y suis un peu seul parfois et un peu à l'étroit aussi.

Là, il se mit à pleurer à chaude larmes. J'étais navré, vraiment désolé et je ne savais pas quoi faire.

- J'ai pas envie de grandir ! Me confia-t-il tout à coup... Parce que c'est bien d'être un enfant ! On peut s'amuser tout le temps quand on est enfant. Les adultes, eux, ne s'amusent pas. J'ai beaucoup visité ta planète, continua-t-il, et je trouve que les terriens font toujours la guerre, qu'ils font du mal aux animaux, qu'ils polluent et qu'ils détruisent leur si jolie planète bleue. C'est pourquoi je suis reparti chez moi, ailleurs, loin dans le ciel, là où j'ai décidé de pouvoir rester un enfant tant que je le voudrai.

- Moi, j'aimerais bien être un adulte ! lui répondis-je. Parce que quand t'es grand, tu peux sortir quand tu veux, tu peux t'acheter tous les jouets que tu veux, tu peux dormir quand tu veux, manger ce que tu veux, tu peux faire tout ce que tu veux quand tu veux comme tu veux ! Personne ne te dit rien.

- Oui, mais les adultes font souvent n'importe quoi parce qu'il ne savent pas ce qu'ils veulent ! Ils font les choses machinalement, comme des robots. Quand ils nous disent par exemple, de ne surtout pas faire ou dire quelque chose, eux, ils le font tout le temps ! Comme boire de la bière, fumer ou dire des gros mots. Et quand on leur dit qu'il ne faut surtout pas faire ou dire cela, ils répondent ok d'accord puis te demandent de les laisser tranquille et changent immédiatement de discussion. 5 minutes après ils ont oublié et ils recommencent. Comment le sais-je ? Un jour, j'ai rencontré sur une planète un buveur...

Nous avons conversé ainsi longuement, à propos des « grandes personnes ». Il se faisait une idée bien précise du monde des grands !

- … Quand on leur pose une question, ils ne nous répondent même pas ! Les grandes personnes croient toujours tout savoir mais ils ont perdu le sens de la discussion. Tout ce qui permet de communiquer s'est évanoui le jour où cette croyance est apparue... Et quand il y a plein de grandes personnes ensemble, ils ne font carrément plus attention à nous. C'est vrai, on ne peut jamais parler avec eux, ce n'est jamais le bon moment. Ils veulent tout le temps qu'on leur fiche la paix, ou se reposer, ou bien ils préfèrent regarder la télévision. Un jour, j'ai rencontré un téléspectateur. Il disait qu'il était un téléspectateur moyen bien que je le trouvais assez petit ! Il se tassait et rapetissait de jour en jour devant sa télévision. Il la regardait 4 heures tous les soirs de sa vie depuis son enfance. Il avait 60 ans et en faisant le calcul, il avait déjà passé 15 ans de sa vie comme ça. Nul doute qu'un jour, il disparaitra devant sa télévision sans que personne ne s'en aperçoive.

- Eh bien, moi, des fois, j'ai quand même hâte d'être grand ! Rétorquai-je avec courage. Ce que je voudrais le plus au monde c'est devenir grand pour pouvoir réaliser mes rêves. Je voudrais être capable de vivre mes rêves et faire ce que je veux de ma vie. Je ne veux pas devenir riche ou célèbre moi, je veux devenir ce que j'ai envie d'être et pas comme ces grande personnes dont tu me parles. Ça vaut combien ça, hein? Je veux ce qui n'a pas de prix … Etre moi-même mais en grand, tu comprends ? Je veux pouvoir partir visiter ma planète pour la comprendre et l'aimer. Je veux découvrir le monde et voir comment il est immensément riche et beau !Mais comme je suis encore un enfant, j'ai un peu peur et je préfère rêver que de partir. Apprends-moi à devenir un explorateur ? lui demandais-je soudain.

- Ton rêve est grand et pour passer du rêve à la réalité, ton rêve doit cesser de t'intimider. Tu dois l'apprivoiser pour t'en faire un bon compagnon. Un jour, j'ai rencontré un renard... Il faut apprendre à ouvrir les yeux de ton cœur, voici ce qu'il m'a appris. Ce n'est pas à ta tête de te commander, mais à elle de te servir quand tu en as besoin. Ta tête est un outil, rien de plus, qui te permet de mémoriser, d'organiser, d'analyser pour comprendre le monde qui t'entoure... Apprends à ouvrir les yeux de ton cœur, ne crains rien car l'essentiel est invisible pour les yeux. Ta liberté commence là. Chasse ce visage pâle, reprend ton être en main. Pour devenir maître de toi-même, commence ainsi : Es-tu capable de t'arrêter de penser un instant ?

- Oui, lui répondis-je, évidemment !

Mais je n'y réussi pas ! J'étais assailli d'images, de mots. Une voix intérieure m'habitait qui ne me permettait pas d'être attentif à autre chose qu'à elle-même. Elle me parlait même sans que le veuille. J'étais furieux contre moi-même et là, ce fut à mon tour de pleurer à chaudes larmes.

- C'est bien plus facile de se taire que de ne pas penser ! Râlais-je, boudeur.

- Pourquoi t'abandonner au désespoir qui te maintient dans l'échec depuis la nuit des temps? Pleurer ou se plaindre n'ont jamais porté bonheur. L' exercice que je te demande est difficile. Déjà tu croyais savoir avant même d'avoir essayé ! Il te faudra prendre le temps pour beaucoup de choses avant de savoir regarder, écouter et faire sans penser. Prends juste le temps, voilà tout. Lève toi de bonne heure et regarde le soleil se lever par exemple. Chaque matin, la nature toute entière s'éveille avec lui. Le soleil donne vie à toute chose et dans les temps anciens bien des peuples l'ont vénéré comme un dieu. Puis un jour, l'homme a choisi de dormir à l'heure où le miracle eut lieu. Sa vie devint alors une longue inconscience de rien du tout. Il s'oublia et dormit d'un sommeil si profond, qu'il le coupa net de son enfance. Depuis, il ne rêve plus, ni endormi, ni éveillé. Il a l'air d'être mort et pourtant il ne l'est pas. Il a l'air d'être vivant et pourtant il ne l'est pas. Il fait et refait automatiquement sans cesse les même choses. Chaque jour se succède et se ressemble. Ainsi croit-il avoir triomphé de la peur.

Il se mit à rire de bon cœur.

- Je te propose de commencer à voyager sans bouger. Le monde est à ta fenêtre. Lève toi et profite de la vie. Sois avec la nature comme on entre dans les pages d'un livre, dans une carte du globe terrestre ou comme on passe une porte. Il te suffit de choisir. De choisir de faire parti du miracle de vivre pour que la magie opère de nouveau.

- Oui, je comprends : je ne peux vivre si je m'absente ! Dans la vie, nous recevons ce que nous donnons. On dit qu'on récolte ce que nous semons. J'ai eu la leucémie à 2 ans ½. Je ne pouvais pas sortir. Je ne pouvais plus voir mes copains et ne pouvais pas avoir d'animaux. Alors j'ai mis beaucoup de rêve dans ma vie et le merveilleux m'a beaucoup aidé. Il m'a permis de collaborer à des soins qui, sans l'imaginaire, auraient été très douloureux. L'une de mes mamans m'accompagnait pendant le soin. Tantôt l'une ou tantôt l'autre selon. Elle me tenait fort sur les genoux et me suggérait à l'oreille une histoire à laquelle me raccrocher. Cette distraction me permettait de trouver une porte d'entrée et d'accéder à un monde imaginaire très protecteur. J'étais comme dans une bulle. Quand l'histoire était finie, les soins l'étaient aussi, sans que j'eus à souffrir. C'est ainsi que j'ai découvert la magie. Pas celle qui fait apparaitre des lapins dans des chapeaux, qui rend invisible ce qui dérange, ou qui donne le pouvoir de changer les choses. Non, j'ai découvert celle qui fait voyager, celle qui fait franchir des frontières bien plus importantes que les frontières géographiques : nos frontières personnelles. Les formules magiques existent. Tout devient possibles avec un simple : « il était une fois... ». Se dire : « Et si ... » est aussi très puissant. Mes rêves m'ont tellement fait voyager ! J'aimerais maintenant que ce soit au tour du voyage de me faire rêver ! Mais tu as raison, lui dis-je. Le jour où la Nature sera trop malade de pollution, le jour où toutes les villes se rejoindront, le jour où nous mangerons tous la même chose, le jour où l'autre me ressemblera alors nous n'aurons plus rien à échanger... Alors nous ne voyagerons plus ! L'étincelle de la vie nous est donnée mais c'est nous qui construisons notre monde. Je suis un enfant et j'ai bien sûr l'audace naturelle de penser que le monde m'appartient. Alors j'accepte d'être l'enfant qui hérite de tout cela sans juger mes paires pourvu que je puisse vivre et demeurer présent à ce qui est.

- Je te remercie de ces paroles bienfaisantes, me dit-il. Ne te coupe jamais de l'enfant que tu es. Tu viens d'avoir l'âge de raison, 7 ans, et comme tout enfant, tu vas traverser bien des épreuves pour devenir adulte. Souviens toi toujours à l'intérieur de toi de l'enfant que tu es. Promets-moi ! Si toutes les grandes personnes se souvenaient de l'enfant qu'elles ont été, sans doute qu'elles ne se négligeraient plus et sans doute qu'elles construiraient avec toi le monde dont nous rêvons tous. Quand on veut on peut... Et plus on peut, plus on sait ce qu'on veut ! Bon voyage Esteban ! me lança-t-il.

Et il partit comme il était venu. Je ne sus jamais comment il avait deviné mon nom et n'eus pas le temps de lui demander le sien.

D'après toi comment s'appelle ce petit garçon ?
Et pourquoi l'ai-je rencontré aux abords de l'île de Riou ?

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